Fin de vie : ne faisons pas table rase des mois de travail en repartant de zéro

Tribune signée par France Assos Santé, le Collectif Handicaps, Les 184, association des membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, Le collectif Pass, Le Cnav

Si un ensemble de collectifs et d’associations de soignants et de citoyens se réjouissent de la réouverture des débats à l’Assemblée nationale sur la fin de vie, il appelle à reprendre les discussions là où elles avaient été laissées avant la dissolution pour ne rien perdre des avancées opérées.

Alors que l’engagement d’inscrire le projet de loi sur les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie à l’agenda des semaines parlementaires des 3 et 10 février 2025 venait d’être pris par le gouvernement Barnier auprès de la résidente de l’Assemblée nationale, c’est à nouveau partie remise avec la probable censure du gouvernement.

Ce texte, qui n’a déjà que trop subi les nombreuses dilatations du calendrier, avant de recevoir le coup de grâce de la dissolution de l’Assemblée nationale à quelques jours de ce qui aurait dû être son vote solennel, connaîtra-t-il un jour une issue ? C’est plus que jamais notre volonté.

Nous, collectifs d’associations de personnes malades et usagers de la santé, et de personnes en situation de handicap, mouvement citoyen de personnes âgées, membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, et soignants convaincus du bien-fondé d’une nouvelle loi, déplorons ces incessantes interruptions dues aux aléas politiques.

Hier, nous nous demandions s’il fallait nous attendre à devoir reprendre les travaux à zéro à partir du projet de loi initialement proposé par le précédent gouvernement, ou à voir émerger un nouveau texte. Aujourd’hui, nos interrogations portent plus que jamais sur le maintien du calendrier prévu, dans les turbulences qui s’annoncent.

A cet égard, nous souhaitons la reprise d’un dialogue qui ne fasse pas table rase des nombreux mois d’échanges, des travaux de la Convention citoyenne, des contributions de toutes les parties prenantes, tant du corps soignant que de la société civile. Nous demandons la reprise de l’examen du projet de loi là où il en était resté, c’est-à-dire amendé et enrichi par les parlementaires suite aux auditions menées par la Commission spéciale et aux débats dans l’hémicycle.

Car si le projet de loi a été rendu caduc par la dissolution, tous ces travaux préparatoires et échanges qui ont permis d’éclairer les enjeux des contours de la future loi au regard des situations de souffrances qui ne trouvaient pas de réponses dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti, n’ont eux pas été dissous !

C’est précisément l’intérêt et la pertinence de la proposition de loi déposée par l’ex-rapporteur de ce projet, le député Olivier Falorni, qui reprend intégralement le texte enrichi par les amendements adoptés en séance, là où il en était de son examen avant la dissolution.

Nombre de ces amendements adoptés ont contribué à améliorer le projet initial, par exemple en sécurisant le financement de la stratégie décennale qui vise à développer les soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie ou en reformulant le critère de « moyen terme » pour garantir que toutes les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable puissent demander une aide à mourir si c’est leur souhait.

Restreindre l’accès à l’aide à mourir sur un critère de mort prochaine consisterait à exclure sciemment les personnes souffrant des pathologies les plus significatives des demandes d’aide à mourir qui n’auraient d’autres choix que de continuer à être accompagnées à mourir à l’étranger.

C’est ce texte que nous souhaitons voir repris comme base aux futures discussions, car c’est une base qui a entendu nos voix, celles des personnes malades et de leurs proches que nous représentons, des citoyens engagés que nous sommes, et également de nous, soignants disposés à accompagner, demain, nos patients qui nous le demanderaient et qui en rempliraient les conditions dans le cadre de ce dispositif législatif à venir.

A l’annonce de ce nouveau calendrier, nous appelons de nos vœux un débat dans l’hémicycle qui ne soit pas le reflet de positions de principe figées, mais un vrai débat démocratique, qui s’appuie sur la réalité des parcours de fin de vie des personnes malades, ainsi que les vécus des proches et des soignants qui les accompagnent : en ce sens, nous saluons le caractère transpartisan de cette proposition de loi, cosignée à ce jour par plus de 225 députés issus de neuf groupes parlementaires différents.

Cette large coalition de députés de tous bords sur un texte présenté comme clivant ne doit pas être ignorée, elle est le reflet d’une volonté commune d’œuvrer pour le meilleur intérêt des personnes en fin de vie, avec la solidarité qui leur est due et dans le respect de leur autonomie, de leurs convictions intimes et de leur propre acception des souffrances et des limites qui sont les leurs.

Soyons à la hauteur des enjeux que représente ce texte pour les personnes malades, ne le remisons pas, encore, au second plan et allons de l’avant en laissant les Parlementaires améliorer le texte dans sa version du 7 juin 2024 !

Lire la tribune dans Libération