L’hôpital, la médecine de ville, les établissements médico-sociaux accueillent quotidiennement des patients1 en situation de handicap moteur, visuel, auditif, intellectuel, cognitif, psychique, etc.
Dans le même temps, un grand nombre de patients en situation de handicap ont des difficultés voire des refus d’accès aux soins à l’hôpital ou en ville, depuis de très nombreuses années ! Pour certains troubles, des réponses organisées n’existent pas. L’accès à la prévention et la promotion de la santé est également problématique.
Par conséquent, ne pas aborder dans les conclusions du « Ségur de la santé » ni l’organisation du système de santé, ni les moyens et les investissements nécessaires, ni les questions de la prévention et du domicile au regard des attentes des personnes en situation de handicap serait un camouflet, d’autant plus après les expériences sidérantes vécues par les patients en situation de handicap au plus fort de la crise covid-19.
Les personnes en situation de handicap ne peuvent être les grands absents du « Ségur de la Santé ».
Les associations du Collectif Handicaps fondent leurs demandes sur les principes :
- du respect de l’application de l’article 11 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies (CDPH) obligeant la France, « à assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées » en situation d’urgence humanitaire;
- du respect de l’application de l’article 25 de la CDPH obligeant la France, à fournir notamment “aux personnes handicapées des services de santé gratuits ou d’un coût abordable couvrant la même gamme et de la même qualité que ceux offerts aux autres personnes” ;
- de la place laissée à l’expertise des personnes en situation de handicap et de leurs proches aidants ;
- de la prise en compte globale de la personne et de son accompagnement dans sa prise en charge ;
- de l’accessibilité pour toutes et tous des lieux, des équipements de santé et des produits de santé, du transport adapté, ainsi que toute information, tout outil ou interface numérique ;
- d’une équité territoriale d’accès aux soins.
Nos principales propositions pour améliorer un système de santé capable d’accueillir tous les patients, même en situation de crise :
1. Mettre en place des formations obligatoires pour les professionnels de santé
Les professionnels de santé doivent être formés aux singularités des patients en situation de handicap et de leur accompagnement. En effet, des patients sont mal pris en charge et parfois essuient des refus de soins parce que le professionnel de santé se sent démuni. Cela engendre pour les personnes des renoncements aux soins. Pour ce faire, il faut inciter largement les étudiants à des formations complémentaires, voire les rendre obligatoires pour certains : médecine générale, psychiatrie, gériatrie, infirmiers.
2. Prendre en compte l’expertise des patients en situation de handicap et de leurs proches
Le patient et son accompagnant lorsqu’il y a lieu développent une expertise liée à sa situation qui joue un rôle certain dans son état de santé, sa prise en charge et la bonne observance des traitements. Sa bonne prise en compte dans les parcours individuels de prise en charge ou dans la mise en place des politiques de qualité et de sécurité des soins dans les établissements améliore les parcours de santé. Par ailleurs, dans certaines situations, les auxiliaires de vie devraient pouvoir intervenir à l’hôpital, en complémentarité de la prise en charge des soignants.
3. Investir dans l’accessibilité des locaux, des équipements et des outils adaptés pour prendre en charge les patients en situation de handicap
Le développement des services Handiconsult démontre que des locaux et des équipements adaptés permettent un retour aux soins pour des personnes qui en étaient éloignées en raison de leur situation de handicap. L’hôpital et la médecine de ville doivent se nourrir de ces expertises pour permettre aux personnes d’avoir un accès plus facile aux professionnels de santé.
Le développement du numérique en santé, s’il est certainement souhaitable comme une modalité complémentaire, ne doit pas faire oublier que les outils numériques doivent être pensés pour être utilisables par tous (personnes déficientes visuelles, intellectuelles, auditives, etc.) et accompagnés dans leur utilisation. La prise en compte des besoins dès la conception des outils est primordiale.
Un référent handicap intervenant transversalement dans tous les établissements de santé permettrait également une meilleure prise en charge. Enfin, des outils d’échanges entre professionnels de santé et patients en facile à lire et à comprendre sont nécessaires.
4. Coordonner les parcours de soin entre l’hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social
La crise a permis, rapidement, de trouver des modalités d’articulation entre le médico-social et le sanitaire. Il conviendrait donc de les maintenir. L’Espace numérique de santé doit aussi permettre une meilleure coordination.
De nouveaux métiers à l’hôpital dédiés à l’interface avec la ville et le médico-social, qui pourraient être confiés à des soignants, notamment des infirmiers en pratiques avancées, assureraient la fluidité du parcours des personnes en situation de handicap, de l’amont à l’aval et pendant l’hospitalisation.
Il y aurait également tout lieu de généraliser les dispositifs d’accompagnement à l’autonomie en santé actuellement expérimentés au titre de l’article 92 de la loi du 26 janvier 2016. Il est par ailleurs nécessaire d’assurer la continuité des soins, même en période de crise, lors de changements de dispositif ou de relai.
5. Aligner la rémunération des professionnels exerçant dans les établissements et services médico-sociaux avec ceux exerçant à l’hôpital
Certains établissements et services médico-sociaux ont besoin de recruter des professionnels de santé. L’écart trop important de la rémunération entre l’hôpital et le secteur médico-social ne permet pas de recruter sur des métiers en tension.
Cette revalorisation permettra aux établissements médico-sociaux de salarier les professionnels de santé. En outre, les professionnels de l’aide et de l’accompagnement à domicile, en première ligne pendant la crise, attendent depuis des années une revalorisation de leur métier.
6. Introduire un système de financement lié à la qualité
La qualité ressentie du patient ainsi que l’efficacité des soins prodigués doivent être prises en compte dans le financement et dans l’évaluation (certification) d’un établissement de santé ce qui suppose de mettre en place des indicateurs liés à la qualité de la prise en charge ainsi que des financements liés au temps supplémentaire dévolu aux consultations.
[1] Etant entendu qu’une personne en situation de handicap peut ne pas être malade. Elle peut également être malade, comme tout le monde, sans pour autant que la maladie génère une situation de handicap. Et à l’inverse, la maladie peut être un des facteurs de la situation de handicap.