La proposition de loi « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France » aurait été présentée par les groupes de la majorité présidentielle pour faire oublier la promesse non-tenue du Président de la République de porter une grande loi « Autonomie » sous son premier quinquennat. Alors qu’on annonce ce texte comme étant le véhicule législatif des conclusions du CNR « Bien Vieillir », le Collectif Handicaps s’interroge : quid des personnes en situation de handicap ?
Cette proposition de loi étonne d’autant plus que les travaux préparatoires de la Conférence Nationale du Handicap sont en cours et qu’aucune politique ambitieuse, interministérielle et cohérente du handicap – et a fortiori de l’autonomie – n’a encore été présentée pour le quinquennat 2022-2027.
Depuis la loi du 11 février 2005, et encore plus depuis la création de la branche « Autonomie » de la Sécurité Sociale en 2020, les 52 associations membres du Collectif Handicaps n’ont de cesse d’appeler à une véritable politique de soutien à l’autonomie, visant à améliorer et garantir les droits des personnes quels que soient leur âge, leur état de santé, leur situation de handicap et leur lieu de vie.
N’en déplaise au discours politique ambiant : autonomie ne rime pas qu’avec bien vieillir. Le droit à la compensation du handicap reste encore ineffectif et l’offre médico-sociale ne dispose toujours pas des moyens adaptés pour engager une transformation de l’offre en profondeur, sur la base de professionnels bien formés et bien rémunérés, pour répondre aux aspirations et besoins de toutes les personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, la situation des personnes en situation de handicap vieillissantes est rarement prise en compte dans les réflexions sur la politique du vieillissement. Pourtant, plus de la moitié des personnes en situation de handicap sont âgées de 65 ans ou plus (soit deux fois plus que la moyenne nationale). Rappelons aussi que les effets du vieillissement peuvent apparaître précocement pour les personnes en situation de handicap et entraîner des altérations supplémentaires des fonctions motrices, sensorielles, cognitives, psychiques et de troubles de santé invalidants.
Pour plusieurs raisons, l’arrivée à l’âge de 60 ans (barrière injustement fixée par la loi entre handicap et vieillesse) et/ou le vieillissement avant cet âge est bien souvent une épreuve et une source d’angoisse pour les personnes accompagnées et leur famille. Le cloisonnement entre handicap et vieillesse a un impact direct sur la prise en charge médico-sociale.
Pour le Collectif Handicaps, quel que soit le degré d’autonomie de la personne et quel que soit l’accompagnement requis par son handicap, il est indispensable que cette dernière accède, tout au long de sa vie, à l’accompagnement qui lui corresponde et qu’elle choisit.
L’objectif doit donc être de bâtir une société où chacun peut faire valoir ses droits, exercer pleinement sa citoyenneté et vivre selon ses choix, ses préférences et ses habitudes, peu importe son âge ou son handicap.
Pour cela, des prérequis doivent être remplis : mise en accessibilité du cadre bâti, de l’espace public, des logements, des transports mais aussi des services numériques ; identification, analyse et réponse individualisée aux besoins et aspirations des personnes, de leurs familles et des aidants ; formation des professionnels à toutes les spécificités des situations de handicap ; etc.
Les priorités du Collectif Handicaps :
- Le Collectif Handicaps demande l’élargissement de cette proposition de loi (à commencer par son titre)pour tenir compte des réalités, besoins, aspirations et choix de vie des personnes en situation de handicap, ainsi que ceux de leur famille et des aidants – pas uniquement des personnes âgées. En l’état, la proposition de loi reste dans une logique de segmentation des publics, que les membres du Collectif Handicaps dénoncent depuis des années. Au-delà d’une loi sur le bien vieillir, il faut une loi qui garantisse l’autonomie de tous.
- Afin qu’une véritable politique de soutien à l’autonomie soit menée dans le pays, le Collectif Handicaps appelle à la suppression de la barrière d’âge fixée à 60 ans pour pouvoir bénéficier de la PCH, ainsi qu’à la création d’une prestation universelle d’autonomie. Celle-ci serait versée quels que soient l’âge, l’état de santé et le handicap de la personne et permettrait de lui garantir les moyens financiers d’une compensation intégrale, effective et personnalisée, sans exclusion d’aucune situation de handicap et sans reste à charge.
- Pour piloter une politique nationale de l’autonomie, il faut impérativement mieux identifier et analyser les besoins des personnes concernées. Sans ce recueil de données quantitatives et qualitatives dans les territoires, il parait difficile de concevoir les solutions adaptée et déployer les moyens nécessaires pour que chacun puisse avoir une réponse adéquate. Le Collectif Handicaps réitère donc sa demande d’un observatoire du soutien à l’autonomie.
Sans ces dispositions, la présente proposition de loi ne présente aucun intérêt : aucune véritable politique de l’autonomie ne pourra être menée tant que persiste cette distinction entre handicap et vieillesse, que le droit à la compensation n’est pas effectif et que l’offre ne s’adapte pas au public.